LE JOURNAL DE CHARLES - AUGUSTE VARNHAGEN D’ENSE S'il est une pensée qui nous puisse réconcilier avec la courte durée de notre existence , c'est celle de croître en action , en influence , en bienfaisance après notre mort , lors même que nous n'avons pas rang dans la haute catégorie de ces hommes qui , à partir de leur apparition en ce monde , sont à jamais associés aux destinées de l'humanité . Cette pensée a dû soutenir Varnhagen d'Ense , dans le laps d'existence qui suivit l’abrupte fin de sa carrière politique ; il a dû sourire de l'inaction à laquelle le contraignait le développement rétrograde des choses , sourire d'être presque mis à l'écart , sourire encore plus de la fausse idée que l'on se faisait de lui ; avec la placi dité de l'homme qui tient un bout de l'avenir dans ses mains , il a dû assister au triomphe précaire et momentané des gens qu'il mépri sait et qui l'écartaient , car il savait que sa véritable importance , celle que nul ne lui pourrait enlever ni disputer commencerait à sa mort , et que son portrait se marquerait dans son intacte vérité sur son tombeau . A partir de son dernier soupir son rôle principal a en effet commencé ; la publication de sa correspondance avec Humboldt , celle de deux tomes de ses mémoires , du journal de Gentz , et enfin et surtout celle de son journal , ont ravivé son souvenir , accentué les côtés saillants de sa personnalité , qui se détache à présent , avec une netteté qu'elle n'a point eue de son vivant , tout en jetant une lumière vive sur le passé le plus proche et les personnages marquants , TOME XIX . 18