| 41 o Epeque de 17 16 à 1743. I.es dépenses de paix pendant cet intervalle furent de 18 millions Yºar an. Epoque de 1744 à 1754 Pendant la guerre peu active de 1744 , les fiais de la marine française n'exigerent qu'un fonds annuel de 43 millions , -l'année commune de paix fut de 24 millions. Epoque de 1755 à 1764 La dépense , année commune de la guerre commencée par les anglais en 1754 , et qui se termina à la paix de 1763 • fut de 64 mil ions : à la paix , la dépense revint à 24 millions. Epoque de 1765 à 177 1, Les dépenses de paix | furent de 3o millions , y compris les frais des établissemens du port de l Orient, de l'Ile-de France , de Bourbon , de Pondichery, etc., cédés au roi par la Compagnie des lndes. Epoque de 1772 à 1775. La dépense , année com mune , fut dans cet intervalle de 38 mil ions. Epoque de 1776 à 1789. La dépense année moyen ne , s'est élevée pendant la guerre , à cette épo que , à une somme de 16o millions , et depuis la paix jusqu à l époque de 1789 , à 63 millions. Le total de ces sommes fait 3,9o4 millions pour 1o1 ans , de dépenses de toute espece de la ma rine française et de l'administration des colonies, qui en a toujours fait partie. · Il est inutile de faire remarquer au lecteur iu dicieux que dans la diffé ence des frais aux di verses époques , il faut faire entrer, 1°. la-dif férence du prix du marc d'argent ; 2°. de celui des denrées , qni ont augmenté dans une pro portion p'us forte que celle du marc d'argent. PEUCHET. . L 1 T T T É R A T U R E. De l'oraison funebre , et particuliérement de celle prononcée par le citoyen Garat, le 1°" vendemiaire an 9. L'oRAIsoN FUNEBRE est à l'éloquence ce que l'epopée est à la poésie. Les images les plus bril lantes , les figures les plus hardies , les mou vemens les plus passionnés doivent entrer dans la composition de ce discours. C'est là qu'il faut étaler !oute la pompe des périodes , toute la magnificence des expressions. L'orateur , comme le poète , peut évoquer les morts , ouvrir le Ciel aux yeux des vivans , faire parler la Divinité , et prêter même aux objets inanimés un langage et des passions. Les anciens qui ont été nos maîtres dans tous les genres d'éloquence , ont connu celui de l'oraisoa funebre. La plus fameuse de toutes ces oraisons , celle qui produisit les plus grands effets fut , sans doute , le discours d Antoine aux ro mains , en leur montrant la robe ensanglantée de Cesar. Le panégyrique de Trajan que Pline le jeune prononça dans le sénat , est aussi un des chefs-d'œuvre du genre démonstratif. L'éloquence , comme tous les autres talens de l'esprit , dégénera prodigieusement dans le moyen âge. Au tems d'Henri IV et de Louis XIlI les oraisons funebres offraient encore un entas sement de métaphores exagérées , de pointes triviales , de proverbes et de citations de grec et de latin , tirées indistinctement des auteurs profanes et sacrés. Enfin, Bossuet vint rendre à l'éloquence ton antique majesté. Ce fut un aigle qni s'éleva jusqu'au ciel , et qui , selon l'expression du poète , entretint commerce avec les dieux. Fléchier , moins véhément , mais plus fleuri ; moins sublime , mais plus sensible peut-être , porta dans l'éloquence de la chaire les richesses d'une imagination féconde . les agrémens d'un esprit ingénieux , les graces du style , et le pa thétique attendrissant qui naît des sentimens tendres , unis aux réflexions mélancoliques. Bossuet s'empare fortement de son sujet. Il le domine , le féconde et l attire à la hauteur de son génie. Nul orateur dans l'antiquité ni chez les modernes ne fut doué d'une imagina tion plus élevée , d'une éloquence plus impé tueuse : les sentimens , les idées , les images , les mouvemens les plus imprévus se succedent , se pressènt, entraînent l''attention de l'auditeur , et mettent en mouvement toutes les facultés de son ame, Nul ne parla du tems et de la mort , de Dieu et de l éternité avec plus de force et de grandeur. * Fléchier sait enrichir un sujet ingrat ; il se sou tient à la hauteur d'un sujet élevé , mais il ne lui donne pas une grandeur nouvelle. Il plaît à l esprit sans ébranler l'imagination ; il parle au cœur , sans attaquer à la fois toutes les facultés pensantes et sensibles de l homme. Il fait naître des émouons douces et prolongées : mais il n exerce point l empire inévitable des passions. Il a moins de mouvemens que d images ; il juge les hommes en pbilosophe , et les instruit en m O TallSt t. - Nul ne fut plus audacieux que Bossuet dans | les formes de son sry'e. Il crée des expressions qui ont une sorte d im nensité comme ses pen sées : il soumet la langue à son génie ; il s'af franchit de ses regles saus offenser sa délºcates'e ; il lui impose des lois , et la force à prend e les foi mes neuves qui conviennent à la hardiesse de : ses conceptions. A . Fléchier n'a point d'expressions originales , mais il a presque toujouts le mot propre. Son style est un modele de cor:ection , d'élégance et d'harmonie. Il se livre trop à la seduction des pensées ingénieuses : et les antitheses qu'il prodigue , sont quelquefois contraires à la grande éloquence ; mais que la sienne est douce et pé nétrante ! quel brillant coloris ! que de finesse dans s-s idées ! et quelle foule de réflexions mo rales et édifiantes ! Pour lui , la religion est une mère indulgente et tendre . qui console ses en fans et leur par donne ; dans les images de Bossuet , c'est une déesse auguste et formidable , qui promet aux hommes vertueux des récom penses magnifiques, et qui menace et fait trembler ses ennemis. Les dogmes de la religion , ses mystères , ses prodiges étaient les grands ressorts de l'éloquence de la chaire. Il seunble qu'elle ne peut se passer de ce merveilleux , sans perdre de sa puissance et de sa majesté. Comme il faut des fictions à la poésie , il faut une religion , il faut des pres tiges , ôserai-je le dire , il faut des superstitions imposantes à l'oraison funebre. Seules , elles lui donnent la vie. Sans les idées surhumaines elle n'est plus qu'une histoire qui emprunte les orne mens de l'éloquence ordinaire ; elle n'est qu'un tissu d'amplifications plus ou moins brillantes. Elle laisse les hommes sur la terre , au lieu de les transporter dans ces régions idéales , que l imagination des prêtres de tous les cultes a créées , pour épouvanter les mortels , ou pour leur donner l'idée de la félicite suprême. Mais la révolution a substitué aux croyances religieuses qui commençaient à s'affaiblir , des docirines philosophiques dont les progrès étaient aussi rapides qu'universels , et des idées politi ques qui avaient l'attrait de la nouveauté ; ce changement dans les opinions et dans les pré jugés, fit prendre à l'oraison funèbre un nouveau caractere. On n'oubliera point celle de Francklin . prononcée par Miuabeau devant les représentans de la nation. Peu de tems après ce grand ora j teur devint à son tour le héros de mille orai sons funebres , dont retentirent toutes les com munes de la Fiance , que sa mort avait raises en deuil. Celle que prononça le fameux abbé Fauchet , dans un des édifices de Paris , peut ! donner une idée de l'esprit qui régnait alors. Enfin la guerre de la liberté , qui a fait naître tant de capitaines illustres , en a déjà enlevé plu sieurs à la patrie. Leur éloge est devenu le sujet de plusieurs oraisons ſunebres , où les idées politiques tiennent la place des pensées reli gieuses. 1 Le panégyrique du général Hoche , ct lui du général Joubert , prononcés tous deux au mi lieu du Champ-de-Mars , l'un par Daunou , l'autre par Chénier , sont des morceaux remar quables par le talent des orateurs , autant que par les faits dont ils offrent le tableau. - Le dernier discours de ce genre , est l'éloge funèbre des généraux Kleber et Desaix. C est celui-là seul sur lequel je veux m'arrêter un mo ment, et hasarder quelques réflexions. Que le citoyen Garat me pardo nnt les erreurs qui pour ront m'échapper dans cet examen. Je crois lui rendre un juste hommage , en exprimaLt avec franchise ce que je pense d'un ouvrage , pour le quel j'ai la plus haute estime. | L'exorde de cette oraison funebre est remar quable par la belle apostrophe à Louis XIV, dont la statue s'élevait autrefois à la place même où l'orateur prononçait l'éloge de deux héros répu blicains. C'est une des idées les plus ingénieuses et les plus nobles à la fois de ce discours. Tous les maîtres de l'éloquence ont su profiter , avec cette habileté, du lieu et des circonstances où ils ont parlé. L'exposition du sujet, que les rhéteurs nomment la proposition , est simple et claire ; c'est à cette paitie du discours que commence l'extrait qu'en a donné le Monitcur. ^ . - Vient ensuite la narration ; elle offre une nou veauté bien remarquable. Il fallait raconter la vie et faire l'éloge de deux héros à la fois , tantôt réunis , tantôt séparés , et qui n'avaient rien de commun ensemble , que d'avoir combattu pour la même cause et quelque •ois dans les mêmes armées. Il fallait les réunir dans la pensée , et parler tour à tour de l'un et de l'autre ,sans paraître abat donner continuellement le sujet du discours , sans affaiblir l'intérêt en le divisant. Il fallait sa voir tirer de ce défaut même des beautés nou velles , en ajoutant à l'éclat des portraits par les oppositions. Ces diHicultés étaient presqu invin cibles : l'orateur les a surmontées. On ne peut ,trop applaudir aux transitions heureuses qui unis sent dans son discours des faits qui étaient étran • • • 1 - - - | gers les uns aux autres. L'art de donner de l'unité | à un sujet complexe est une sorte de phénomene en éloquence comme en poésie. - Il faut admirer dans cette narration le récit de la bataille de Tiffaug2 dans la Vendée , de l éva cuation de Kehl , de l'un des passages du Rhin par Kleber , et de plusieurs autres actions mé- . morables. L'orateur n'a pas dédaigné cette foule de trails particu'iers . d'anecdotes , de mots heureux qui peignent si bien les hommes illustres , et qui ont fait dire que la lettre de madame de Sévigné , sur la mort de Turenne , fesait plus aimer ce héros que le chef-d'œuvre de Fléchier. Il faut savoir gré au citoyen Garat d'avoir senti que ces anecdo es ne déparaient point l'oraison funebre , et d'avoir donné à ce genre de composition un nouveau degré d'intérêt. - | . Apres avoir rassemblé tous ces ſaits. après avoir montré tour-à-tour ses deux héros sur les difié" rens théâtres de leur gloire , il les rapproche , et offre le parallele de leurs vertus et de leur génie. Ainsi Bossuet compara Turenne au grand Condé. On peut ici mettre les deux orateurs en parallele, ainsi qu'ils y ont mis leurs héros ; m ais c est le seul morceau peut-être où le citoyen Garat ait des rapports avec Bossuet. Son talent paraît avoir avec celui de Fléchier beaucoup plus d'analogie. Il a souvent les beautés de cet orateur ; il a aussi ses défauts : comme lui .. il est plus souvent bon écrivain que grand orateur ; comme lui , il s'arrête avec trop de complaisance sur les idées qui off ent des antitheses ingénieuses. Il en cherche quelque fois dans les mots. On pourrait lui reprocher aussi quelques phrases obscures, quelques expressions qui manquent ou de noblesse ou d'hai monie , même quelques langueurs ; mais , en général , il y a dans cet ouvrage tant d idées just, s , des réflexions si intéressantes , tant de faits si bien racontés, et des difficultés vaincues , que la cri tique est désarmée. D'ailleurs il faut considérer que le cit. Garat ne pouvait disposer des moyens oratoires que Bossuet et Fléchier trouvaient dans la religion dont ils étaient les ministres. Aussi l'orateur ré publicain a-t-il senti la nécessité de s'écarter des traces de ses prédécesseurs. Le caractere qu'il a donné à l'oraison funebre est moins imposant , mais plus philosophique ; il tient du genre des éloges académiques , dont Fontenelle a laissé des modeles si brillans ; mais il a p us d élevation et de pompe. Il faut ap plaudir aux orateurs politiques , dont le génié a su créer de nouvelles ressources à l'éloquence , ' et qui sont parvenus à étendre les limites de cet art. Mais leuis : talens n'empêcheront pas peut-être de regretter , sous le rapport de l'élo quence de la chaire et des profondes impressions qu'elle savait p1oduire , les idées religieuses et l'empire qu'elles exerçaient sur les esprits. Rien ne remplace l autorité si absolue ,, si respectée que le caructere d'orateur sacré donnait aux Bossuet et aux Massillon sur les puissances de la terre ; ni la hardiesse de leurs leçons , ni l'audace même des menaces qu'ils leur fesaient au nom du Ciel. A quels efforts de talent sont donc obligés nos orateurs pour rendre l'oraison funebre intéressante , depuis qu'ils ne peuvent plus recourir à ces brillans prestiges , ni à l'au torité de la paIole divine ! DAvID. ' A U R É D A c T E U R. J'ai assisté, le 3o frimaire, à la séance de Sicard. Cc nom fait naître tant d idees accessoires qui commandent la vénération et la reconnaissance de l'humanité , que de le prononcer suffit à son éloge ; ce n'est donc pas de cet instituteur , de sa méthode , que je veux vous entretenir ; c'est de l'effet que cette séance a produit sur l'as semblée. Cette séance était un drame ; et y en a-t-il qui puisse faire éprouver de plus douces émo tions et inspirer à la-fois de plus nobles pcasées ? Il est bien permis de s'énorgueillir d'être homme en voyant ce miracle du génie , faire parler les sourds et les muets ; car ils peuvent parler : mais , avec des moyens si féconds de communication entre eux , notre alphabet , le leur , des signes de convention qui sont autant d'images , l écri ture , à quoi leur servirait le parler , ce dernier et pénible effort de la nature déjà vaincue ? ... Combien d'assistans, d'ailleurs instruits , ont dû se dire : Je ne connais pas le génie primor dial de ma langue , ses racines , ses ellipses , les règles de ma grammaire - comme ces sourds muets ; je ne donnerais pas de déhnitions sem blables à celles qui étonnent dans Massieu : on se rappelle celle-ci de la reconnaissance : C'est la mémoire du cœur. Ce lie qu'on lui en redeman derait aujourd hui ne serait plus la même. Peut être se bornerait-il à porter sur Sicard ses yeux baignés de lai mes , et il exprimerait ainsi ce sentiment. - Je lui avais demandé , il y a quelques années , Qu'est-ce qu un organe ? Il écrivit avec la rapidité